jeudi 7 juillet 2011

vivre sous la peau

.Qu’est-ce qu’il y a.
.sous la peau.?.

.Dis, le ciel, ça se mange.?

Cet enfant m’a posé cette question au bord du chemin, alors que nous avancions doucement vers la mer. Les dunes étaient hautes, le sable dansait au vent comme les cheveux d’une femme que j’aimais.
Cet enfant n’en savait rien.

Des chardons éparpillés sur le sol étaient envahis par des armées de coquilles d’escargots blancs.


.C’est à partir d’où, ailleurs.?.  Ça commence ici ou bien
il faut avancer encore
.?

Cet enfant n’en savait rien.

Soudain je vis peu à peu s’étendre la plage de sable et la mer se reculer pour laisser place aux vagues. C’était marée basse. Des centaines de pêcheurs en salopette étanche et en botte vert kaki arpentaient le sable mouillé avec leurs filets et leurs épuisettes.


.Elle va où la mer quand elle recule comme ça.?. 

Cet enfant n’en savait rien.

Le calme plat régnait au bord du large. 

Aucun bruit de bateau, aucun touriste qui crie.

Rien. Il est six heures et les lumières de Saint-Jean-de-Monts s’allument derrière le pont, au loin. Seul le hoquet de quelques bulles énigmatiques pouvait interloquer le sommeil de l’eau.


.Les vagues, elles avancent tout le temps, elles dorment jamais.?. 
Cet enfant n’en savait rien.

Quelques gouttes de roses ont fané le long des côtes. Les lumières brillent, de plus en plus étincelantes. J’ai presque envie de pleurer, de pleurer de joie, en serrant cet enfant dans mes bras, tellement le soir est beau, tellement la lumière brille, tellement la vie est belle, belle, belle.

.Y’a quelqu’un qui habite dans la lune.?. 

Demanda-t-il, en levant les yeux et le doigt, intrigué, vers l’astre.

Je ne répondis rien.

Il marmonna :


.Pourtant je suis sûr qu’il y a quelqu’un qui habite là-haut.! Y’a la lumière qui est allumée.!. 


Je respirais profondément. 

Le silence.

Il n’avait pas besoin qu’on lui réponde. Il trouvait ses certitudes dans la forme que son regard donnait à l’univers, qui était là, sous ses yeux. Il ne pourra pas changer l’univers. Mais je ne voulais surtout pas qu’il change son regard. Il était tellement vrai, il était tellement beau, il était tellement lui.


.Alors, tu me dis, ou pas.? C’est quand que je serai grand.?. 

Cet enfant n’en savait rien. Moi non plus. Je posai tendrement ma main sur son épaule et il ferma les yeux.

Le ciel est mangé par la mer.; ailleurs commence toujours là où on est.; la mer va se coucher là où la lune l’attend.; les vagues ne dorment plus une fois qu’elles ont quitté la rivière et l’énigme ; la lune brille grâce à toutes les étoiles qui tournent leur lumière vers elle.; peut-être aussi parce qu’elle est tellement belle que notre regard ébloui l’illumine.; et toi, toi, tu seras grand quand tu ne pourras plus voir les choses comme tu les vois ce soir.

Cet enfant n’en savait rien.

Mais qu’en savais-je, moi, lorsque j’étais comme lui.?

Sous la peau, il y a le vrai savoir. Celui qui ne sait rien.




.estampes.  Anne Carpena   
.texte. Marien Guillé  


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