mercredi 21 décembre 2022

PURES COÏNCIDENCES




C’était l’hiver du monde brut. L’été se poursuivait au passé composé de passions incendiées. Il brûlait sans fin depuis le cœur, irradiait le tronc de l’être à travers veines et racines. La tête était tombée, il restait un soleil. Un seul soleil avait suffit à éclairer tous les passages et les recoins.
 

Je reflétais la folie grandiose de l’amour. Les baisers hébergeaient des mystères, les larmes aussi. Les racines du sommeil ouvraient une porte sur le monde des coïncidences.




le temps coïncide avec l’espace
qui coïncide avec l’œil




l’homme coïncide 
avec son ombre 
et la femme avec son âme 

et la femme coïncide 
avec l’ombre de l’homme 
et l’homme avec l’ombre de son âme

je ne coïncide avec rien sinon moi-même 
qui coïncide avec tout 

nous coïncidons tous ensemble 
avec l’ensemble de nos coïncidences 

la coïncidence coïncide avec le hasard 
qui coïncide avec le sort 
mais la coïncidence ne sort jamais d’elle-même 
sinon pour coïncider avec le sens 

le sens que je prête aux coïncidences 
me donne une idée de moi-même 

la vie coïncide avec la vie 
la mort avec la mort 
mais les deux s’interpénètrent à travers la naissance 

ne me parlez pas de coïncidences car j’entends autre chose 

la rencontre entre deux êtres est une coïncidence 
qui ne dit pas son nom 

les véritables coïncidences gardent le silence 
sur leurs intentions 

le silence coïncide avec l’espace 

le temps avance sans bruit sous un tapis de coïncidences 

la vie coïncide avec la vie 
la mort avec la mort 
et lorsque les deux se confondent 
c’est l’ultime coïncidence qui fonde les deux 

la condition sine qua non de la coïncidence 
est la simultanéité 
bien que parfois des coïncidences aient été rapportées 
rétrospectivement 
d’une époque à l’autre 

l’empreinte annonce le pied par pure coïncidence 

coïncidence du masque avec un visage mal ajusté 

coïncidence du croisement avec le visage 
non le regard 
d’une personne perdue de vue 

visage fermé d’une ancienne connaissance perdue de vue 
croisée par hasard dans la rue 
et qui ne me voit plus par pure coïncidence 

d’autres m’ont-elles vu que je n’ai pas su ? 

et mon visage était-il aussi fermé lorsqu’elles m’ont reconnu ? 

coïncidences en pure perte 
et ce à perpétuité 

a contrario coïncidences qui se démarquent 
et se remarquent 
heureuses coïncidences 

la marque de l’oubli de soi 
ou des autres au profit de soi (et vice versa) 
dénote-t-elle une saturation de coïncidences ? 

on ne coïncide qu’avec soi-même 

coïncidence du retard en avance sur le moment voulu 

impact d’une coïncidence avec la trajectoire du désir 

toute coïncidence est une rencontre 
un rendez-vous avec soi-même sinon autrui 

chaque coïncidence est une chute en soi 

la pierre de touche de toute coïncidence 
est une rencontre avec ce qui nous échoit 

je me rencontre 
je vous observe 
je me rends compte que je me vois 


en vous voyant je m’aperçois

par pure coïncidence 


images extraites de 

 




lundi 12 décembre 2022

soleil enfoui, trêve millénaire

taillez enfants aux yeux d’air et d’eau les belles 

               allumettes 

dans la forêt des légitimes soifs            
 taillez les belles allumettes pour que flambe le théâtre d’ombres universel.  

 Testament 
 de Ravachol. 



le signe qui manque 
      l’être qui demande 
            se correspondent 



 le corps indique le langage 
 le temps de retrouver sa parole 

la pierre qui roule 
      la porte qui s’ouvre 
            n’aboutissent plus 
                  dans la forêt 
                        mais au bord 
                              de la rivière 


 la lumière immobile 
 trahit la présence d’un soleil enfoui 
 au centre de la silhouette 



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                                                                                             photos     Severin EttlinHomoLux



 identité 
 idée d’une entité 
 une et indivisible 
 infime quantité 
 indifférenciée 
 de l’invisible dont elle est 
 entière 
 entièrement hantée


         monstre pensant 
         montagne cérébrale
         couvant son rêve 
         assoupie dans sa trêve millénaire 
         pensée tapie qui nous rumine 
         puis nous recrache dans le monde 
         à la face d’un quotidien étourdi





mardi 22 novembre 2022

rétrospective



    

À ma connaissance, nous n’eûmes vent des événements que longtemps après qu’ils survinrent. À la réflexion, je dirais même que c’est nous qui les avons convoqués afin qu’ils accordent un semblant d’explication à l’étrangeté au beau milieu de laquelle nous nous étions, depuis des temps avérés immémoriaux, retrouvés. Car s’il était certes patent que le caractère étrange soudain conféré au réel demeurait désormais notre évidence quotidienne, au point même d’en devenir normal, l’immuabilité de cette nouvelle donne, qui de jour en jour semblait définitivement supplanter le monde tel que nous l’avions jusqu’alors habité, effaçait peu à peu le souvenir de ce que nous croyions avoir connu auparavant et qui ne subsistait plus qu’en tant que sentiment fugace, incertain, voire douteux, si bien que ce qu’il nous restait de nous-mêmes n’était plus précisément que ce nous même de chacun d’entre nous. Nous nous étions donc retrouvés, et collectivement, et singulièrement.


Mais pour cela il nous fallut passer par la nécessité d’expliquer. C’est là que nous en vînmes à invoquer des raisons plus ou moins fantaisistes à la situation qui, nous le pressentions, paraissait n’être pas ce qu’elle aurait dû. Nous estimions en effet qu’elle avait des devoirs, des comptes à nous rendre et, non, définitivement non, nous ne nous y retrouvions pas. Nous dûmes faire des efforts d’imagination, inventer une histoire, des histoires, toutes sortes d’histoires que nous nous racontions en guise d’éclaircissements. Car il fallait bien clarifier, sinon même s’excuser d’en être arrivés là. Et c’est ainsi, en invoquant ces raisons, en s’inventant ces histoires, que nous nous sommes invoqués, convoqués, réinventés.


Nous reprîmes nos esprits, nous fûmes partis de rien pour revenir à nous.





vendredi 11 novembre 2022

la vertu des mortels

        C’est les yeux ouverts que nous scrutons la nuit cachée derrière le sommeil. Nous rêvons debout et veillons allongés. Nous sommes morts aux yeux de la vie mais bien vivants entre les plis de la mort. Tous autant que nous sommes, nous vivons seuls sous son linceul. Nous savons qu’elle a vidé la vie de toute veille pour l’endormir d’un sommeil de plomb. Mais nous veillons tout de même, c’est en dormant les yeux ouverts que nous veillons. Nous nous voyons dormir. Et le réel dévale de nos yeux délavés par la nuit. 


lundi 8 août 2022

chemins de traverse



la nuit zébrée de paupières
  
entre les lignes de l’air ému

parle à l’oreille
d’un rêve éteint
 
à l’orée
du réveil
 


un cœur qui bat traverse la nuit

  la nuit traverse le cœur 

le cœur de la nuit qui bat qui bat 

ça nous traverse et nous emporte 


la nuit le cœur nous emporte à la renverse 

     alors nous débattons du cœur de la nuit  

    dans nos transports au sein de la nuit  

      qui nous traverse au fil du pouls  

tout au long de la nuit  


et c’est ainsi qu’à la nuit tombée 

le cœur prend la relève

                                                                                                                


 

j’enterre
un miroir
et tous
les faux-semblants
d’un monde
qui n’est pas
le monde


dans la terre se reflètent
de faux mouvements
qui n’ont pas lieu d’être



j’enterre
un sourire pour le voir s’ouvrir en compagnie de souvenirs qui ne souffrent pas de comparaison

j’enterre un dernier souffle
sous la braise d’un baiser





le

ciel

    un miroir

le ciel 
   m’atterre              et la terre me sidère

une  passerelle d’oxygène 

  consolide la terre ferme

elle ouvre l’air  

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 j’embrasse la mer en enterrant le ciel
 j’emmerde le ciel s’il ne m’entend pas

mais je m’y entends
à enterrer père et mère
                           et tous leurs enfants

qui font semblant d’être mes frères    
alors qu’ils le sont depuis toujours    
même s’ils ne le savent pas    

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  j’enterre 
 un miroir

aux éclats
   de rire  

 multipliés
par la nuit 

 en autant 
  d’étoiles 

j’enterre ma mine de déterré

et je déterre un trésor

que je tiens tout contre

 

  poème pollen                                    

butin de fortune à butiner          

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