mardi 22 novembre 2022

rétrospective



    

À ma connaissance, nous n’eûmes vent des événements que longtemps après qu’ils survinrent. À la réflexion, je dirais même que c’est nous qui les avons convoqués afin qu’ils accordent un semblant d’explication à l’étrangeté au beau milieu de laquelle nous nous étions, depuis des temps avérés immémoriaux, retrouvés. Car s’il était certes patent que le caractère étrange soudain conféré au réel demeurait désormais notre évidence quotidienne, au point même d’en devenir normal, l’immuabilité de cette nouvelle donne, qui de jour en jour semblait définitivement supplanter le monde tel que nous l’avions jusqu’alors habité, effaçait peu à peu le souvenir de ce que nous croyions avoir connu auparavant et qui ne subsistait plus qu’en tant que sentiment fugace, incertain, voire douteux, si bien que ce qu’il nous restait de nous-mêmes n’était plus précisément que ce nous même de chacun d’entre nous. Nous nous étions donc retrouvés, et collectivement, et singulièrement.


Mais pour cela il nous fallut passer par la nécessité d’expliquer. C’est là que nous en vînmes à invoquer des raisons plus ou moins fantaisistes à la situation qui, nous le pressentions, paraissait n’être pas ce qu’elle aurait dû. Nous estimions en effet qu’elle avait des devoirs, des comptes à nous rendre et, non, définitivement non, nous ne nous y retrouvions pas. Nous dûmes faire des efforts d’imagination, inventer une histoire, des histoires, toutes sortes d’histoires que nous nous racontions en guise d’éclaircissements. Car il fallait bien clarifier, sinon même s’excuser d’en être arrivés là. Et c’est ainsi, en invoquant ces raisons, en s’inventant ces histoires, que nous nous sommes invoqués, convoqués, réinventés.


Nous reprîmes nos esprits, nous fûmes partis de rien pour revenir à nous.





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