jeudi 4 août 2011

en lignes de conte (4/4)

 le  maître  des  lieux 


Les branches s’accrochaient aux feuilles telle une main agrippée à la brume n’en finissant pas de se suspendre. Un craquement s’enroula comme une liane aux parois mais il ne tourna pas la tête. Une ombre vagabonde effleura le sol puis s’immobilisa. La faible lumière effaçait presque ce mirage avant qu’il n’apparaisse. Elle était là. Et lorsque son genou troua l’embrasure il ferma les yeux.
 
Le noir de ses paupières hésita entre le quelque chose de trop ou le pas assez. Il savait que ce n’était pas lui qui voyait sans qu’il ait pourtant une autre manière de voir et l’obscurité d’un tel plein se confondit bientôt avec la lumière du vide sans qu’il eût besoin d’ouvrir les yeux. Il se leva lentement avec l’épaisseur du monde dans le corps.

Elle avait porté ses doigts à sa joue pour écarter doucement de son visage une mèche de cheveux. Traversant l’espace qui les séparait, elle avait comme bondi d’une jambe désarticulée. La lueur de la nuit étirait l’étendue de son mouvement. Plié contre son ombre, le décor creusa l’inhabitable. Maintenant, la proximité de leurs corps, détachée de tout entourage, berça le silence telle une rivière muette.

Continue l’incontinuable voyage qui fait de l’horizon l’autre du passage. Alors tu feras de toi l’autre de toi et du néant, tu marcheras dans ta part d’extérieur à toi-même et tu te perdras dans l’autre au plus près de toi.



                                                                         Marilène  Vigroux                                                                       

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