jeudi 28 juillet 2011

en lignes de conte (3/4)

 le  maître  des  lieux 


Il se retourna vers l’arbre. Il savait que le rêve ne lui appartenait pas sans qu’il rêvât avec une autre manière de rêver. Elle avait bougé ses paupières et levait maintenant sa main vers le bal nocturne de l’eau. Se liquéfiant dans sa quête il aurait manqué l’émergence du sans chemin. De quel lieu et qui était le maître des lieux puisqu’il ne pouvait arriver ailleurs ne partant pas de quelque part
.? Heureusement, elle lui confondait cette part étrangère qui n’était même pas le regard de la terre. Alors il se leva et marcha. Marcha encore au fond de l’arbre de l’abîme sans profondeur. Seules les branches se souciaient de l’envol au bord de l’invisible.

Sa main fixe la limite de ta peau, ton pas promène ses paupières. La traversée sera toujours vide de sa rencontre. Ne pas continuer, ne pas être arrêté puisqu’il n’y aura pas de moment où.

Les bambous murmuraient lentement la confusion de la pluie avec ses vertèbres tandis qu’il marchait sans s’arrêter et pourtant n’étant pas là pour continuer sa marche. Il savait que la marche ne lui appartenait pas sans qu’il marchât avec une autre manière de marcher. Plus loin, une souche effleura de ses rides sa cheville. Il s’assit dans son songe déroulant l’enclos du royaume jusqu’à la pliure de son coude et la tige de la plus haute herbe dévoila la présence inattendue de la cabane de branchages.

Les paupières immobiles, elle avait laissé le dessus de sa main se poser lentement sur le sommet de sa tête. Allongée sur le dos, bercée par le chant des grillons, elle habilla son regard de ta voix. Son genou voguait paisiblement dans le gris profond des nuages. Dans la lueur est restée cette parole oubliée
.: «.Ne reste pas ailleurs.» Pourtant le bord de son corps trembla comme la peau d’un tambour trop tendue. Une poudre légère effaça le miroir du silence et le son de ces mots creusa l’écho d’une étrange contrée.: «.Ne reste pas ailleurs..» Mais la cabane ne pouvait accomplir la traversée.

Il franchit malgré tout le seuil et guetta le signe du lieu de l’écart. «
.Je suis le maître des lieux.» voulut dire la parole découpant un fragment palpable. Mais le lieu n’eut pas la patience de laisser la moindre petite goutte de sueur sur le sol. Et la parole savait bien que l’ouverture de l’écho n’était pas le passage du lieu puisqu’il n’y avait pas d’autre côté. Alors il s’assit puis se releva, s’assit encore puis il se coucha en ce lieu du vide, écoutant le chant du hibou comme la mer dans un coquillage. Il ne ferma pas les yeux et bientôt le plafond d’une hypnotique étreinte l’enveloppa. Seul, abandonné de sa propre solitude, il tissait l’espace de l’étrange de la pointe des cils.



                                                                         Marilène  Vigroux                                                                       

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