jeudi 14 juillet 2011

en lignes de conte (1/4)

 le  maître  des  lieux 


L’horizon sur son dos atterrit. Alors sa seule voix, voile pudique d’une poussière accrochée désespérément, plongea bouche ouverte. Ses deux ailes, tel le songe sorti du trou dans un mur, commencèrent à nager dans l’innocence de la pesanteur. Ses genoux fléchis creusèrent une fenêtre dans l’eau limpide et calme. Lorsqu’un remous s’échappa sur la surface maintenant nerveuse, le rire de l’eau rencontra le vol léger du vent. Tout proches, les pieds nus de la montagne perçant la profondeur dans la ligne du silence chassaient le maître des lieux là où la pierre d’angle du refuge était le passage de l’attraction.

Le mouvement de l’eau guidait son corps comme une fin d’errance. La porte s’ouvrit dans la pierre et l’eau se dispersa dans le vide. Seules ses deux ailes flottaient dans une minuscule tache d’encre, solitaires. La terre s’était mise à couler le long d’une onde dans le recoin sombre du plancher jusqu’à la petite lumière de feu. Sur un fil tendu à la pénombre, une couverture grimaçante lui faisait face, privée de paupières pour pouvoir ouvrir les yeux. À l’affût de l’autre, l’épaule immobile, il guettait la rencontre. Dissout dans le centre du refuge, le maître des lieux, sans le temps de l’instant, engloutit son regard. Crac.! Le mur se fendit. Un soupir souleva sa poitrine. La paille crépita lorsque, dans l’obscurité ondulante, le seau de flamme laissé au coin d’une dalle se renversa.

La terre roulait maintenant et poursuivait la paille, attirée par le chant de sa soif. Elles entamèrent une danse pénétrante, sans retrait ni profusion, habitées d’une extatique effervescence. La terre vola au feu sa verticalité qui s’écrasa sur le sol. Ce magma en débris habita alors la danse avec l’immobilité de la fixité de la pierre. Seul le seau de fer demeura dans le prolongement de son soupir, en instance, n’en finissant pas de se renverser et pourtant déjà éteint comme sa poitrine vidée de l’air trop tremblant cherchant à se rattraper à n’importe quelle consistance pourvu que l’élément ait fait son choix entre ses possibilités.

Il se souvint alors avec quel abandon elle déchira sa longue jupe trop serrée et se mit à courir sous la pluie tiède en direction de n’importe quelle direction parce que le désert était bien trop prêt à dépourvoir la moindre petite parole qui ne serait pas redescendue dans la terre. Puisque personne ne l’amena dans l’in-recevable pays lointain de l’autre de l’avoir-lieu, le refuge ne pouvait que rejoindre le maître des lieux dans son souvenir. Étendu sur les pierres fines du rivage, il ne put que manquer le passage qui avait continué l’arrêt, rejoignant petit à petit la vieille habitude du fond de l’accès.



                                                                         Marilène  Vigroux                                                                       

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